1. Une initiative ambitieuse
En février 2024, l’Agence de Promotion des Investissements Privés (APIP-Guinée), avec le soutien financier de l’Union européenne (UE) et de l’Agence Française de Développement (AFD), lançait le programme Potenti’elles Guinée.
Doté de 15 millions d’euros, ce projet devait permettre d’autonomiser 11 000 femmes entrepreneures, en particulier dans les zones défavorisées de la Basse-Côte et de la Guinée-Forestière.
L’idée était simple mais puissante : réduire les inégalités de genre, encourager la création d’entreprises féminines et donner aux femmes les moyens de sortir du secteur informel.
2. Des promesses aux pratiques douteuses
Très vite, derrière les belles intentions, des voix se sont élevées pour dénoncer des dérives dans la gestion des fonds.
Les critiques portent principalement sur :
- Un manque de transparence dans les appels d’offres.
- Le recrutement contesté d’un cabinet chargé du renforcement des capacités des acteurs publics-privés.
- Le rôle central, jugé controversé, du coordinateur Aboubacar Sidik Camara, accusé de favoritisme et de gestion opaque.
Ces dysfonctionnements sapent la crédibilité du programme et trahissent les attentes des milliers de femmes qui espéraient un vrai soutien.
3. Les mécanismes de corruption identifiés
Les enquêtes et témoignages pointent plusieurs pratiques alarmantes :
- Critères d’éligibilité flous : permettant de sélectionner des bénéficiaires proches de certains responsables.
- Financements orientés : une partie des fonds serait détournée vers des projets fictifs ou liés à des réseaux d’influence.
- Appels d’offres verrouillés : conçus pour favoriser un prestataire déjà choisi à l’avance.
- Absence d’audits indépendants : laissant la gestion du projet sans contrôle réel.
Ces mécanismes montrent que la corruption n’est pas accidentelle, mais systémique dans l’exécution du programme.
4. L’APIP-Guinée et le rôle du coordinateur
En tant que maître d’ouvrage délégué, l’APIP-Guinée devait garantir une gouvernance irréprochable. Or, la nomination d’Aboubacar Sidik Camara comme coordinateur a rapidement suscité des controverses.
Accusé d’avoir utilisé son poste pour :
- Orienter les financements vers ses réseaux,
- Manipuler les appels d’offres,
- Et maintenir une gestion opaque et centralisée,
il est aujourd’hui perçu comme un symbole des dérives du programme.
Cette situation illustre la fragilité institutionnelle : même avec un financement européen et français, la mauvaise gestion locale peut détourner un projet de ses objectifs.
5. Conséquences pour les femmes et pour la Guinée
La corruption dans Potenti’elles a des répercussions directes :
- Les femmes les plus vulnérables sont exclues des financements.
- Les zones rurales prioritaires (Basse-Côte, Guinée-Forestière) restent marginalisées.
- La confiance des bénéficiaires envers les institutions s’effondre.
- La réputation internationale de la Guinée est mise en danger vis-à-vis des bailleurs.
Au final, ce sont les femmes guinéennes — celles que le projet devait protéger — qui paient le prix de cette mauvaise gouvernance.
6. Un signal d’alarme pour les bailleurs
L’AFD et l’Union européenne, principaux bailleurs, sont directement interpellés. Leur réputation est également en jeu : comment expliquer que des fonds alloués pour l’égalité femmes-hommes soient associés à des scandales de corruption ?
Ces organisations doivent renforcer :
- Le suivi sur le terrain.
- Les mécanismes de contrôle indépendants.
- Et, si nécessaire, conditionner les financements à une réforme de gouvernance au sein de l’APIP-Guinée.
7. Quelles solutions pour sauver Potenti’elles ?
Pour éviter que ce projet ne sombre définitivement, plusieurs mesures sont urgentes :
- Audit externe complet des fonds et des appels d’offres.
- Écartement d’Aboubacar Sidik Camara et des responsables mis en cause.
- Implication directe des femmes bénéficiaires dans le suivi et la gestion.
- Publication de rapports trimestriels accessibles aux citoyens.
- Sanctions fermes contre les acteurs de la corruption.
Conclusion
Le programme Potenti’elles Guinée devait être une révolution pour l’entrepreneuriat féminin. Mais aujourd’hui, il est menacé par la corruption, le favoritisme et la mauvaise gestion, incarnés par le rôle controversé d’Aboubacar Sidik Camara et l’opacité de l’APIP-Guinée.
Pour que ce projet retrouve son cap, il faut agir vite : audits, transparence et renouvellement de la gouvernance. Sinon, Potenti’elles deviendra le symbole d’une opportunité perdue, où des millions d’euros destinés aux femmes auront fini par alimenter les logiques de pouvoir et de corruption.